Durant ce temps de confinement qui met à l’épreuve notre solidarité, et dont nous ignorons tous à ce jour la durée (sinon que celle-ci dépendra de notre aptitude collective à le respecter), j’invite chacun à accomplir ces trois actes juridiques aussi simples qu’essentiels : désigner une personne de confiance (I), rédiger son testament (II), conclure un mandat de protection future ou désigner par anticipation un curateur/tuteur (III).
Vous n’avez besoin que de quelques feuilles : la désignation de personne de confiance tient en quelques lignes, comme la désignation anticipée de curateur/tuteur, et peuvent être rédigés l’une après l’autre sur le recto d’une feuille. Le testament pourra être rédigé sur une autre feuille. Le mandat de protection future s’imprime (ou se recopie).
I – Désigner une personne de confiance
1. Définition. La “personne de confiance” fait l’objet d’un statut inscrit dans le code de la santé publique, à l’article L. 1111-6 :
” Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.
Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.
Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, ou dans un hôpital des armées ou à l’Institution nationale des invalides, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient n’en dispose autrement.
Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation.
Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer.”
1.1. Rédaction. Vous désignez votre personne de confiance librement, par écrit. Il suffit d’une phrase :
“Je soussigné (e), né(e) le … à …, de nationalité …, demeurant (adresse), désigne comme personne de confiance au sens de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique, Madame / Monsieur (prénom, nom), né le … à …, (indiquez en un mot votre lien : mon épouse/mon époux/ un(e) ami(e) cher(ère) /mon beau-frère/ mon gendre etc. etc). Fait à (ville) le (date). (Signature) ”
2. Eclairages. Cette personne de confiance sera l’un de vos proches : un(e) ami(e), une compagne, un compagnon, votre conjoint, votre partenaire (PACS), un frère, une soeur, un père, une mère, un cousin, un beau-frère, une nièce, etc.
– cette personne de confiance sera informée et consultée par le corps médical si votre état de santé se dégrade au point que vous ne pourrez plus exprimer une volonté de façon lucide.
– cette personne devra relayer votre volonté (que vous aurez exprimée devant elle), vos valeurs, vos souhaits auprès du corps médical. Si compte tenu de votre état de santé préexistant ou de vos convictions et réflexions, vous ne souhaitez pas d’acharnement thérapeutique, vous l’indiquerez à votre personne de confiance et vous pourrez aussi le préciser dans votre désignation. La parole de la personne de confiance l’emportera sur toutes autres paroles émanant d’autres membres de votre famille. Vous indiquerez à votre personne de confiance votre traitement actuel si vous en prenez un, pour que ces informations soient intégrés à votre parcours de soins à venir.
– vous devez donc informer votre proche que vous l’avez désigné personne de confiance, vous assurer de son accord, et lui faire part de vos souhaits pour le cas où vous seriez touché(e) par le coronavirus ou toute mutation, au point de devoir être hospitalisé(e).
– votre personne de confiance peut habituellement assister aux entretiens médicaux : en cette période de contagion, le confinement doit être absolument respecté. Votre personne de confiance pourra si les circonstances le permettent, participer à une conversation téléphonique avec votre médecin.
– votre personne de confiance doit signer votre désignation : si vous ne vivez pas ensemble, envoyez lui votre désignation par mail/par scan, afin qu’elle vous l’imprime, vous la signe et vous la scanne. Un échange de courriels est suffisant.
1.2. Si vous êtes hospitalisé(e) sans avoir désigné une personne de confiance, vous pouvez demander à tout moment à remplir un formulaire en ce sens. La personne désignée n’a pas à signer ce document. Cela suppose que le personnel hospitalier trouve le temps de vous en fournir un, ce qui n’est pas certain tant les énergies sont tournées vers les soins. Mieux vaut que vous arriviez avec votre désignation (cf. 1.1.).
1.3. Majeurs protégés. Sauvegarde, curatelle. Une personne en sauvegarde de justice ou en curatelle (curatelle simple, curatelle aménagée, curatelle renforcée) peut librement désigner une personne de confiance, sans assistance du curateur ni autorisation du juge des tutelles. Il suffit que le majeur protégé soit apte à le faire.
1.4. Majeurs protégés. Tutelle. Une personne sous tutelle ne peut désigner une personne de confiance qu’avec l’accord du juge des tutelles. Il faudrait donc en pareil cas solliciter le juge des tutelles : cependant, l’ensemble des tribunaux étant pour l’essentiel fermés (à l’exception, en particulier, des audiences pénales faisant suite à une infraction flagrante, des référés protection devant le juge aux affaires familiales en matière de violences familiales, ou des placements de mineurs), et les juges des tutelles assurant une permanence sans auditions ni audiences, il sera difficile d’obtenir une ordonnance en cette période. Lorsqu’une personne avait désigné une personne de confiance avant d’être placée en tutelle, la règle est que le juge des tutelles doive valider cette désignation antérieure pour qu’elle produise effet : ici, la difficulté de saisir le juge des tutelles risque de retarder une réponse judiciaire.
1.3. Essentiel. La désignation d’une personne de confiance est une sécurité morale, et permet de savoir avec soulagement, dans l’hypothèse où nous serions touchés, qu’un de nos proches pourra légalement échanger avec le médecin, recevoir des informations et les partager avec notre famille/nos amis, et relayer notre position (si nous ne sommes plus en état de la formuler). Bien entendu, il est à craindre que nos médecins et l’ensemble de nos personnels hospitaliers soient débordés. Mais s’il y a un interstice, une chance pour que cette désignation permette au médecin de recueillir la parole de notre proche, cette désignation n’aura pas été inutile.
II – Rédiger son testament
2. Se poser. Chacun étant potentiellement un sujet à risque, ou une victime potentielle du coronavirus, nous pouvons tous utilement nous poser et rédiger notre testament. Nous disposons presque tous (hormis les personnels médicaux, policiers, gendarmes, militaires, et encore quelques commerçants, envers lesquels va toute notre gratitude) de cette chose inespérée, que la vie courante ne nous permettait que de toucher de loin en loin : du temps pour soi.
Du temps pour penser, se penser, sortir des contingences économiques et retrouver un rapport à l’écrit, à la littérature, à la méditation, à l’être, à la connaissance, à la spiritualité.
Dans ce contexte, où nous mesurons notre fragilité et notre évanescence, faire son testament est une façon d’être en accord avec soi, de mettre à jour nos sentiments et la hiérarchie de nos affinités.
2.1. Conditions de validité. Ainsi, pour être valable, votre testament devra être manuscrit. Le code civil (article 901) en résume les règles en une phrase :
“Le testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme.”
Votre testament devra être intégralement rédigé à la main, puis daté à la main et signé par vous.
Il ne peut être écrit à l’ordinateur, puis imprimé et signé : un tel testament serait nul.
De même, une photocopie serait nulle. Seul votre testament original manuscrit est valable.
Un testament est très simple à rédiger. Le support est indifférent : il peut s’agit d’une feuille bien entendu, mais il peut être écrit dans un cahier, sur une page à l’intérieur d’un livre si vous n’avez ni feuille ni cahier.
Mettez le en évidence ou dans un endroit où il pourra être retrouvé, à l’abri de l’humidité ou d’une source de chaleur. Prévenez la personne que vous souhaitez gratifier de l’endroit où il se trouve.
Vous pouvez en faire deux exemplaires identiques si vous le souhaitez : lorsque le confinement sera levé, vous en remettrez un exemplaire à votre proche pour qu’il le conserve.
Vous pouvez naturellement révoquer votre testament à tout moment, par un écrit manuscrit, ou faire un autre testament qui complète le précédent, ou l’annule et le remplace, à tout moment.
Si vous aviez établi un testament authentique (rédigé par un notaire) ou si vous aviez déposé par le passé votre testament chez un notaire, et que vous souhaitez le modifier ou le remplacer, vous pouvez le compléter ou le révoquer depuis chez vous, par un nouveau testament manuscrit.
2.2. Utilité particulière. Je n’aborderai que deux situations pour lesquelles la crise sanitaire que nous traversons justifie particulièrement de rédiger un testament :
a) Si vous n’avez pas d’enfant et que vous n’êtes pas marié, mais que vous avez un compagnon/une compagne, un partenaire (pacsé) : en l’absence de testament, votre famille (un frère, une soeur, vos parents voire en leur absence des oncles/neveux/cousins, jusqu’au sixième degré) héritera de vos biens, et l’élu(e) de votre coeur n’aura rien. Si vous n’avez aucune famille, alors l’Etat héritera et l’élu(e) de votre coeur n’aura rien.
Ici, faire son testament, c’est protéger l’avenir de votre ami(e) de coeur. De trois façons :
1/ Vous instituez votre compagne/compagnon/partenaire pacsé légataire particulier si vous souhaitez lui léguer un bien ou plusieurs biens précisément listés.
Par exemple, votre appartement ou votre maison (s’il vous appartient en propre) ou vos droits indivis dans l’appartement ou la maison que vous avez acheté à deux. SI vous avez deux biens immobiliers, vous pouvez bien sûr les viser tous les deux. Indiquez bien leur adresse.
Mais aussi votre voiture, votre PEA, vos liquidités bancaires, l’ensemble de votre mobilier, vos bijoux, etc.
Dans un legs particulier, vous listez chacun des biens (mobiliers ou immobilier) que vous souhaitez léguer.
En l’absence de pacs, votre compagnon/compagne devra payer 60 % de droits à l’Etat, tandis que votre partenaire pacsé n’aura (c’est la vertu du pacs) aucun droit à payer.
Votre famille, ou l’Etat, recevra le reste de vos biens non visés dans votre legs particulier.
2/ Vous instituez votre compagne/compagnon/partnenaire pacsé légataire universel de l’ensemble de vos biens. Même traitement fiscal : 60 % de droits à payer à l’Etat pour les premiers, exonération pour le partenaire pacsé.
Dès lors, votre famille ou l’Etat n’aura rien.
Vous pouvez bien entendu instituer légataire universelle la personne que vous aimez, et préciser dans votre testament un ou plusieurs legs particulier pour un neveu, une nièce, tel ou tel ami, etc.
3/ Vous pouvez aussi instituer légataire universelle une oeuvre de charité, une association caritative, une fondation, à charge de délivrer à votre ami(e)/compagne/compagnon un legs net de frais et de droits.
L’association ou la fondation (Institut Pasteur, Fondation Médéric Alzheimer, Fondation de France, AFM/Téléthon, Institut Curie, Apprentis d’Auteuil, Orphelins de la police, SPA, etc. – les justes causes ne manquent pas) devient votre légataire universel, et a la charge de délivrer à votre proche un legs particulier net de droits de succession.
Par exemple, votre patrimoine est de 100. S’il avait été légataire universel, votre compagnon/compagne aurait dû payer 60 % de droits et n’avoir au final que 40 %. Vous pouvez donc instituer une association caritative légataire universelle, à charge pour elle de verser un legs particulier de 40 à votre ami(e), net de droits. Les droits que l’association paiera seront alors de 60 % de 40, soit 24. L’association aura reçu 36 de sorte qu’au final, vous aurez protégé votre proche (qui aura reçu ses 40 qu’il aurait reçu s’il avait été institué légataire universel) et fait oeuvre utile dans le même temps. Pour la rédaction de ce legs net de frais et de droits, je vous invite à téléphoner à votre notaire.
Si vous n’avez pas de personne à qui vous souhaitez faire un legs, faire votre testament au profit d’une association caritative peut être une façon de maîtriser le sort de vos biens, plutôt que ceux-ci ne reviennent à un parent plus ou moins lointain avec qui vous n’avez pas aucune proximité.
b) Si vous avez un enfant et n’êtes pas marié (mais en concubinage ou pacsé) :
1/ En l’absence de testament, votre enfant recevra tout, et votre ami(e) de coeur (qu’il ou elle en soit le parent ou non) ne recevra rien.
2/ Avec un testament, vous pourrez léguer à votre ami(e) jusqu’à la moitié de vos biens, votre enfant recevant au minimum la moitié de vos biens.
En effet, en présence d’un enfant, la réserve héréditaire (la part de vos biens dont vous ne pouvez pas disposer librement) est de la moitié, la quotité disponible (la part de vos biens dont vous pouvez disposer librement est de la moitié).
Ce qui veut dire qu’en instituant légataire universel(le) votre ami(e) de coeur, il/elle recevra la moitié de vos biens à votre décès, et votre enfant l’autre moitié.
Si vous n’êtes pas pacsé(e), votre ami(e) devra payer 60 % de droits ; si vous êtes pacsé(e)s, il/elle n’aura pas de droits de succession à payer.
Vous pouvez aussi léguer à titre particulier un bien immobilier à votre compagne/compagnon/partenaire pacsé : soit ce legs dépassera en valeur la moitié de votre succession, et il sera réductible car il aura porté atteinte à la réserve de votre enfant (qui est de la moitié), soit ce legs sera inférieur à la réserve (par ex., si ce bien représente 40 % de votre patrimoine), et votre enfant recevra dans notre exemple 60 % de votre succession (sa réserve de 50 % et le complément de 10 %).
Vous pouvez aussi léguer à titre particulier plusieurs biens à votre compagne/compagnon/partenaire pacsé, jusqu’à atteindre en valeur la moitié de votre patrimoine.
3/ Lorsque vous avez deux enfants, leur réserve est de 2/3 (deux tiers), votre quotité disponible pour votre ami(e) de coeur ou toute autre bénéficiaire (une oeuvre de charité) n’est plus que d’un tiers (1/3).
4/ Lorsque vous avez trois enfants et plus, leur réserve est de 3/4 (trois quarts), votre quotité disponible n’est plus qu’un quart (1/4).
2.3. Legs avec charge. Vous pouvez instituer votre proche légataire universel, à charge de s’occuper de tel parent âgé et dans le besoin.
2.4. Autres souhaits. Vous pouvez aussi mentionner dans votre testament vos souhaits concernant vos obsèques (inhumation, crémation, personnes que vous souhaitez prévenir), votre acceptation ou votre refus de donner votre corps à la science, ainsi que des préconisations ou des recommandations aux personnes que vous laisserez.
III – Conclure un mandat de protection future
3. Définition. Un mandat de protection future est un contrat par lequel une personne lucide désigne une ou plusieurs autres de son choix, qui l’acceptent, pour s’occuper d’elle et la représenter juridiquement dans le cas où son état de santé ne lui permettrait plus de pourvoir seule à ses intérêts. C’est un pacte de confiance entre deux personnes (voire trois ou davantage si la personne désigne deux mandataires ou plus – mais il faut alors que chacun puisse se contrôler respectivement).
L’article 477 du code civil le présente ainsi :
“Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.”
3.1. Conditions de mise en oeuvre. Lorque la personne ayant conclu un mandat de protection future voit sa santé se dégrader au point de ne plus pouvoir gérer elle-même ses affaires, prendre des décisions éclairées, ou comprendre une situation, alors le mandat de protection future peut être activé. Concrètement, le mandataire missionnera un médecin habilité, inscrit sur la liste du procureur de la République du domicile du mandant, qui l’examinera et rédigera un certificat médical préconisant la mise en oeuvre du mandat. Le mandataire se présentera au greffe du Tribunal judiciaire avec, notamment, le mandat de protection future (en original) et le certificat médical afin que le greffier du Tribunal vise le mandat et l’enregistre.
3.2. Mandat de protection future sous seing privé, ou mandat notarié. Ces deux types de mandats de protection future permettent d’anticiper une dépendance et d’éviter une procédure devant le juge des tutelles.
Le mandat sous seing privé permet au mandataire (le proche choisi pour l’exercer) d’accomplir seul tout acte de gestion courante (actes d’administration). En revanche, pour un acte de disposition (achat immobilier ou vente ; rachat d’assurance vie, retrait de sommes placées sur un livret ou un compte autre que le compte courant), il faut l’accord du juge des tutelles. Le mandataire doit rendre compte annuellement de sa gestion au directeur de greffe du Tribunal.
Le mandat de protection future notarié permet d’éviter pour ces actes de disposition le recours au juge des tutelles : lorsque le mandat est notarié, le mandataire peut accomplir ces actes de disposition dans l’intérêt de la personne altérée psychiquement, en rendant compte de sa gestion au notaire ou dans les termes de la “clause de contrôle” (confiée par exemple à un expert-comptable choisi par le notaire ou par le mandant) du mandat.
Que le mandat de protection future soit sous seing privé ou notarié, la mise en vente du domicile suppose l’accord du juge des tutelles, de même que toute donation.
3.3. Contenu. Le mandat de protection future pourra préciser les souhaits de la personne concernée sur de nombreux sujets : le choix du lieu de vie, les questions liées aux traitements médicaux, le choix des obsèques, la question du don du corps à la science, le refus qu’en cas de révocation du mandat une habilitation familiale soit prononcée par le juge (en effet, par une telle habilitation, le juge n’exerce plus le moindre contrôle sur la mesure) mais au contraire la volonté affirmée d’une curatelle ou d’une tutelle, ou le souhait que tel membre de sa famille ne soit surtout pas en charge de la curatelle ou de la tutelle si le mandat venait à être révoqué… etc. etc.
3.4. Révocations. Tant que le mandat de protection future n’est pas activé, il peut être dénoncé par la mandataire ou le mandat. Une fois qu’il est activé, il est irrévocable. En revanche, en cas de faute commise par le mandataire dans l’exercice du mandat, le juge des tutelles peut être saisi par tout intéressé, tout-un-chacun. Le juge pourra suspendre les effets du mandat en urgence, puis convoquer le mandataire, le mandant si son état de santé le permet, ainsi que le requérant afin d’enquêter sur les griefs évoqués.
Le juge pourra révoquer le mandat de protection future et prononcer une mesure de protection judiciaire (curatelle, tutelle) s’il estime que cette décision sert l’intérêt du majeur vulnérable (en cas de maltraitance, de faute ou d’abus commis par le mandataire).
3.5. Préconisations. En situation normale, je préconise naturellement un mandat de protection future enregistré chez un notaire, mais autant que possible rédigé par un avocat car ce type de mandat suppose une pratique des mesures de protection judiciaires.
En l’état du confinement, j’invite chacun à télécharger le formulaire Cerfa n° 13592*04 du ministère de la Justice. Cela constituera une protection juridique provisoire. Votre proche, s’il vit avec vous, pourra le signer. Sinon, envoyez le lui par mail afin qu’il vous le retourne signé et scanné. Une fois le confinement levé, sa conversion en mandat de protection future notarié (avec une rédaction et des clauses plus précises) sera judicieuse. Mais dès à présent, vous pouvez désigner un proche, voire plusieurs, pour s’occuper de vous si vos forces venaient à vous abandonner, dans l’hypothèse d’une altération de vos facultés psychiques, ou corporelles retentissant sur votre aptitude à penser, sur votre faculté de discernement.
Si vous ne pouvez pas imprimer ce formulaire cerfa, je vous invite à rédiger à la main une désignation anticipée de curateur ou de tuteur : par cette désignation de quelques lignes, vous désignez tel ou tel de vos proches pour exercer ou co-exerer la mesure de curatelle ou de tutelle vous concernant, si votre état de santé psychique ou physique devait justifier le prononcé par le juge des tutelles d’une mesure de protection judiciaire. Cette désignation anticipée, faite en conscience, s’imposera au juge des tutelles. Le curateur ou tuteur pressenti n’a pas besoin de la signer. Si le curateur ou tuteur devait un jour commettre une faute dans sa gestion, le juge pourrait bien sûr le décharger.
CONCLUSION. Désignation d’une personne de confiance, rédaction d’un testament, d’un mandat de protection future ou désignation anticipée de curateur/tuteur : tels sont, dans cette période dramatique que nous dépasserons unis, les bons gestes juridiques, simples, à accomplir, pour être en paix avec soi, et marquer sa confiance à ses proches.
Valéry Montourcy
Avocat au Barreau de Paris